arbres remarquables du Chablais

Après quelques années de repérage tranquille j’ai décidé, début 2013, de passer à la vitesse supérieure et de travailler activement à l’élaboration d’un inventaire des arbres remarquables du Chablais. Tâche colossale pour l’amateur que je suis, mais tellement passionnante!

Mes objectifs:
– Donner de la visibilité à ces arbres, joyaux méconnus de notre patrimoine, afin de les placer sous la protection d’un public encore peu (voire pas du tout) informé à ce sujet. Plus il y aura de personnes à connaître/aimer ces arbres, plus ils auront de chance d’être préservés. Du moins c’est ce que je souhaite.
– Permettre au plus grand nombre de rendre visite à ces vénérables (pour ce qui est des arbres libres d’accès en tout cas) afin que tous puissent profiter de leurs bienfaits: l’énergie qu’ils nous transmettent, les sentiments qu’ils manquent rarement de susciter (émerveillement, sérénité, humilité,…), la joie que procure la vue des belles choses.
Ré-enraciner ces arbres dans l’histoire locale (de laquelle ils sont trop souvent exclus, fussent-ils séculaires!). Ce dernier objectif est le plus difficile à atteindre car il n’est pas évident d’obtenir des informations sur le passé de ces arbres.

Afin de rendre les données récoltées accessibles à tous je les ai reportées sur une carte visible sur le site à partir d’aujourd’hui.
C’est par ici:

carte

Cette carte est encore très lacunaire (manque de temps. Peu de données en zone de montagne > recherche difficile. Peu d’infos sur l’âge/l’histoire de ces vénérables, etc), mais contient déjà suffisamment de belles trouvailles pour enchanter moultes ballades dominicales.

N’hésitez pas, si vous rendez visite à un Vénérable du cru, à me faire part de vos impressions.

Vieille souche

Début juillet, alors que je me trouvais en Vanoise (Savoie), j’ai eu le privilège de traverser la vieille forêt de l’Orgère (à 2000 m d’altitude, juste au-dessus de Modane > voir ici).
Ce lieu magique, magnétique, hors du temps, abrite de nombreux résineux séculaires (Mélèzes, Arolles, quelques Épicéas). On peut y voir, paraît-il, des arbres de plus de 700 ans! Je n’ai malheureusement pas eu le temps de partir à leur recherche, mais j’ai toutefois bien profité de cette courte visite.

Difficile de décrire mes impressions, cependant une chose est sûre: je me suis rarement senti aussi bien. Quelle sérénité en ce lieu!

Certains Arolles (Pin Cembro – Pinus Cembra) m’ont fortement impressionné: noueux, tortueux, massifs, aux racines épousant la roche (…) l’un d’eux, au tronc concave, semble vouloir offrir sa protection à la faune locale et au promeneur égaré (je ne l’étais pas, mais cet ancien m’a tout de même permis de rêvasser un instant entre ses bras ligneux).


Au bord du chemin se trouve la souche d’un Mélèze qui était apparemment âgé de plus de 400 ans. Vu la proximité des anneaux de croissance je veux bien le croire.
Cet arbre disparu n’est pas moins impressionnant que ses congénères vivants. Je dirais même que le vertige existentiel que sa vue suscite est encore plus puissant… En admirant cette souche j’ai tout de suite pensé à ce film d’Hitchcock que j’adore: Vertigo. On y voit le personnage de Madeleine (Kim Novak) dire à Scottie (James Stewart), en montrant une coupe de Sequoia:

« je suis née quelque part par ici… »
   puis de déplacer le doigt de quelques centimètres et d’ajouter: « … et je suis morte là. Pour lui ça n’a été qu’une heure, pour moi une vie ».

Cette séquence est tellement forte! Rien que d’en parler j’en ai la peau de gallinacé!

En contemplant ces êtres séculaires je songe alors à ma modeste vie d’humain qui ne représente qu’un fragment de la leur. Loin d’être effrayante cette pensée m’emplit de gratitude, de sérénité.
Fréquenter de vieux/grands/beaux arbres, en plus d’être une activité apaisante et une joie pour les yeux, nous remet gentiment à notre place. Plus qu’un simple passe-temps il s’agit donc d’un véritable exercice spirituel d’humilité, d’acceptation, de contemplation, de respect et d’amour pour le vivant (une des raisons, si ce n’est LA raison, de la passion que je leur voue).

Puissé-je vous avoir donné envie de vous y intéresser…

Châtaignier d’Armoy

Il y a deux mois je découvrais en bord de route, en revenant de Samoëns, un imposant châtaignier à l’entrée d’Armoy (voir cet article). Je ne l’avais pas mesuré (barbelés, terrain privé) mais avais estimé sa circonférence à 7,50/8 m.
Aujourd’hui, me promenant dans le secteur je me suis permis de lui rendre une petite visite de courtoisie. Par chance j’ai pu rencontrer les propriétaires, fort sympathiques, et deviser arbres avec eux. Ils m’ont permis d’aller mesurer le monument, résultat: 8,26 m de circonférence!
Vu ses dimensions ce châtaignier doit certainement dépasser les 300 ans.

Cet arbre est visible depuis la route de Reyvroz à l’entrée d’Armoy (voir localisation).

Hêtre d’Abondance

Circonférence: 5,19 m
Hauteur: ~ 16 m
Âge:  180-300 ans (estimation)

À l’entrée du village haut-Savoyard d’Abondance se trouve un vieux hêtre noble mais fatigué. Lors de ma première visite en 2007 je constatais un feuillage clairsemé et pas mal de branches mortes. Mais pas de quoi m’inquiéter outre mesure.
Je suis récemment retourné le photographier et six ans plus tard mon impression est tout autre: peu de feuilles, beaucoup de bois mort et une bonne partie de sa structure absente. Fin de vie pour ce vieux Savoyard. Je lui devais bien un petit article.

Sur un écriteau est indiqué « par arreté du ministre de l’instruction publique et des beaux arts. En date du 14 mai 1909 ce Hêtre (ou Fayard) est classé au répertoire des sites et monuments naturels ».

Mes recherches m’ont permis d’en savoir un peu plus:
« Un premier arrêté de classement (pris par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts le 14 juin 1909) a classé les 6 hêtres bordant la route d’entrée dans le village d’Abondance. On n’en connaît pas les raisons précises ni le contexte, même si l’on peut supposer qu’il s’agissait de souligner l’allure remarquable de cet alignement d’arbres, et que les arbres ont sûrement été classés à la demande de la propriétaire.
Le 12 juillet 1916, le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts prend un arrêté rectificatif pour déclasser l’un des six hêtres, pour mauvais été sanitaire. Cette pratique de déclassement n’a plus été appliquée par la suite. D’une manière générale, l’actuel ministère de l’écologie souhaite en effet conserver la mémoire de ce type d’arbres classés (il en est de même pour les Tilleuls de la Liberté par exemple), même s’ils disparaissent ou sont abattus pour raisons sanitaires, et recommande plutôt leur replantation à l’identique. Si officiellement cinq hêtres sont encore classés, il n’en reste en réalité plus qu’un aujourd’hui. » (je tiens à remercier le personnel de l’Abbaye d’Abondance pour ces informations).

Localisation: cliquez ici
Accès: facile. En bord de route (D22) juste avant de passer la rivière et d’entrer dans Abondance. Une table de pique-nique est même installée devant si vous désirez vous sustenter à l’ombre (enfin ce qu’il en reste) de ce vieux Hêtre…

Juillet 2015 > L’arbre continuait de décliner et a certainement perdu sa dernière feuille en 2014. Les crues du mois de mai 2015 ont mis un terme spectaculaire à son existence, la Dranse l’ayant emporté (en intégralité, jusqu’à la dernière radicelle) dans ses eaux déchainées, ne laissant à la place qu’un trou béant.
La végétation aura tôt fait de recouvrir les derniers stigmates de sa timide existence, et l’oubli, plus rapidement encore, de tomber sur les hommes…