l’Arbre de Judée du Miroir

L’arbre de Judée est une essence du sud-est de la méditerranée et du proche orient.
L’origine biblique de son nom est communément avancée : Judas Iscariote se serait pendu à une branche de cet arbre après avoir trahi le Christ. Il se peut toutefois qu’il y ait eu avec le temps une confusion/amalgame entre Judas et la région de Judée[2] (actuellement Israël et Palestine). Que l’arbre ait été nommé en fonction de son origine géographique est bien plus probable.

Plus proche de nous on le trouve sur les coteaux chauds, secs et ensoleillés du sud de la France, mais son caractère autochtone[3] est controversé : pour certains il a été introduit au XVIème siècle, pour d’autres il pourrait avoir été rapporté de terre sainte par les croisés[1] en raison du symbole qu’il représente ; il se pourrait enfin que sa présence en France soit bien plus ancienne comme semble l’attester la découverte de Fossiles[4].
Plus au nord, pour sa beauté et grâce à une bonne rusticité l’arbre est fréquemment planté dans les parcs et jardins.

Impossible de confondre l’arbre de Judée avec d’autres espèces une fois identifiées certaines de ses caractéristiques :
petit arbre, plutôt étalé, présentant généralement plusieurs troncs ou un tronc ramifié assez bas ; branches sinueuses, écorce très sombre et finement gerçurée.
Les vieux individus ont tendance à pencher/plier et présentent parfois un tronc superbement torsadé.


Pour identifier l’espèce, feuilles, fruits et surtout fleurs, sont les parties les plus caractéristiques :

Ses feuilles ont l’aspect d’un coeur émoussé ; et s’il n’y avait à la base l’échancrure due au pétiole elles sembleraient parfois presque rondes. Fruits en forme de petites gousses brun-rougeâtre pendantes qui persistent longtemps sur l’arbre.

Mais s’il y a bien une chose à retenir de l’arbre de Judée c’est sa fantastique floraison :
les fleurs, très nombreuses et d’un rose soutenu, apparaissent avant les feuilles et semblent littéralement gainer l’arbre. Elles ont en effet la particularité de pousser directement sur les branches, même les plus grosses, jusqu’au tronc lui-même ; on dit alors de cette espèce qu’elle est « cauliflore »[5]. Cette particularité botanique, fréquente en milieu tropical, est chez nous suffisamment insolite pour en faire un critère de détermination imparable.

Le contraste entre ces touffes roses et l’écorce presque noire est splendide !
Qui a vu fleurir de près un arbre de Judée n’est pas près de l’oublier.


La commune de Publier abrite un fantastique représentant de cette espèce.
Au premier abord cet arbre n’est pas le ligneux le plus impressionnant du parc du Miroir ; en dehors de sa période de floraison on pourrait même ne pas y faire attention, les séquoias voisins et le panorama sur le lac Léman ayant tendance à lui voler la vedette.

Mais ne vous y trompez pas, il s’agit bien (et de loin) de l’arbre le plus remarquable du parc!

Individu trapu, d’aspect vénérable. Structure en « Y » assez massive, beau fût cannelé, en partie écorcé : ancienne grosse charpentière coupée, ayant entraîné le dessèchement de la partie du tronc correspondant au circuit de circulation de la sève. Arbre creux. Houppier déséquilibré côté lac

Il n’est pas impossible qu’il s’agisse d’un ancien double-tronc fusionné, mais pour ma part je pense plutôt qu’il s’agit d’un tronc unique ramifié assez bas. Ses mensurations sont exceptionnelles pour l’espèce ; d’autant plus incroyable que nous nous trouvons en dehors de son aire naturelle.

Circonférence : 3,86 m au plus étroit[9].

Un des plus gros[6] arbres de Judée de France !

La longévité de l’espèce semble plutôt faible : les plus vieux spécimens dépassent de peu les 200 ans, mais la majorité des arbres atteint généralement 100 à 150 ans[8]. Difficile d’estimer l’âge de cet individu, mais il parait probable – du moins vraisemblable – qu’il avoisine le siècle et demi (l’arbre fût planté dans une grande propriété privée en bord de lac, devenue aujourd’hui un parc public très fréquenté).

Sans être exceptionnelle sa hauteur – 11 m[10] – est tout de même relativement élevée, car si l’espèce peut atteindre 15 à 16 m elle ne dépasse habituellement pas 10 m[7].

 

Outre ses dimensions, sa beauté et sa présence un peu inattendue au bord d’un lac savoyard, cet arbre de Judée possède une autre corde à son arc ; curiosité qui n’aura pas échappé aux plus observateurs :
un merisier de belle taille pousse au niveau de la fourche, au coeur du tronc creux riche en humus, et mêle son feuillage à celui de son hôte.
De loin, avec son double feuillage et sa double floraison, notre Cercis ressemble à une étrange chimère végétale .

Galerie

Localisation: cliquez ici
GPS: 46.399386 , 6.531147
Accès: Très facile. Parc très fréquenté. Parking plage d’Amphion ou cité de l’eau. À mi-chemin entre Evian et Thonon ; ~40 km depuis Genève ; ~80 km depuis Annecy.

notes:


1) Jacques Brosses – Larousse des arbres.
2) Il s’agit semble-t-il d’un ajout légendaire ultérieur car nulle description d’arbre dans les textes sacrés. En France « arbre de Judas » aurait été employé jusqu’au XVIIIème siècle (« la majestueuse histoire du nom des arbres » H.Walter et P.Avenas). Référence biblique présente dans plusieurs langues étrangères : Italien : albero di Giuda / Allemand : Judasbaum / Anglais : Judas tree / Espagnol : árbol de Judas / Pays-Bas: Judasbloom / Grèce : Δέντρο του Ιούδα.
Le nom scientifique fait lui référence aux fruits.
3) Concernant les plantes non autochtones on parle de « naturalisée » quand l’espèce s’est durablement installée, se reproduit normalement, et se comporte comme une plante indigène ; et de « subspontannée » quand les individus sauvages sont issus de graines d’arbres cultivés sans pour autant s’installer de façon autonome et durable dans le milieu… Concernant l’Arbre de Judée les avis divergent.
4) Chez nous l’espèce n’aurait alors fait que revenir, après une période climatique défavorable. Toutefois la présence fossile de Cercis siliquastrum ne serait attestée qu’en Italie, alors que les fossiles présents en France concerneraient un ancêtre de l’espèce actuelle (« Sur l’origine paléontologique des arbres, arbustes et arbrisseaux indigènes » – Charles Martins – 1877 / « L’origine et le développement des flores (…) » Josias Braun-Blanquet – 1922 / « Inventaire de la macroflore du miocène supérieur de la diatomite de Murat » Philippe Legrand – 2003voir ici et ici p32).
5) Exemple d’espèces cauliflores : le cacaoyer ou encore le papayer.
6) Peut-être même parmi les plus imposants d’Europe? En l’état actuel de mes connaissances/investigations. Peu de données concernant cette espèce. Toutefois l’incertitude ne concerne que la notion de records, car il est certain qu’un arbre de Judée de cette taille est de toute façon exceptionnel.
7) Bibliographie + étude statistique (1176 données). De plus les vieux spécimens ont davantage tendance à s’étaler qu’à gagner en hauteur.
8) peu de données disponibles. Les records semblent généralement avoisiner les 230 ans. L’arbre de Judée du jardin botanique de Montpellier serait le plus vieux de France, voire le doyen de l’espèce ; il est estimé à 400 ans. Il n’a pourtant plus la même apparence qu’autrefois, on pourrait aujourd’hui croire son âge surestimé, mais il devait être énorme. Déjà réputé comme le plus gros d’Europe au début du XIXème (« In the same garden at Montpellier there is the largest Judas tree which is in Europe and perhaps in the world Its exact measurement should be registered » Edinburgh New Philosophical Journal – 1833 / « The largest Judas tree in Europe perhaps in the world is in the Botanic Garden at Montpelier » The Gentleman’s Magazine – 1836).
9) Mesure au 4/5/18. Il atteint même 4,07 m à 1m30, mais le tronc étant évasé la mesure au plus étroit est plus pertinente. Ancienne mesure: 3,85 m au +étroit à ~1m au 1/12/16.
10) Au dendromètre Suunto le 1/12/2016.

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