Merisiers de Ripaille

Étonnant comme notre point de vue peut évoluer avec le temps…

Au tout début de ma passion pour les arbres remarquables, il y a 7 ou 8 ans de cela, je ne connaissais pas grand-chose au patrimoine arboré local, aux arbres remarquables, et même aux arbres en général. Je cherchais alors des équivalents au châtaignier de Troubois (photo) , où encore au tilleul de Féternes (photo) . Ce que je ne savais pas encore c’est qu’en commençant mes recherches par les champions locaux je faussais ma vision, car des arbres de ce genre ça ne court pas les rues (hum).
Je m’étais à cette époque rendu dans la forêt de Ripaille, attenante au château du même nom, pour saluer le Chêne Amédée VIII, autre célébrité locale. Triste rencontre: il ne restait pas grand-chose du vénérable ligneux emporté par la tempête de 99.
En vain je cherchais du regard d’autres gros chênes et repartais bredouille, un peu déçu de n’avoir pas découvert de vieux géants.

Je suis retourné à Ripaille dimanche dernier et il ne m’a pas fallu attendre très longtemps pour faire de belles rencontres. Dès l’entrée Je m’arrêtais tous les 10 mètres en poussant des hooo et des haaa d’admiration. Point de vieux Chênes, ni de nobles colosses, mais de belles Aubépines, du Sureau, du Prunellier, du Fusain, du Néflier (…) et surtout de superbes Merisiers en fleurs (>cerisiers sauvages), d’une blancheur éblouissante. J’étais subjugué par cette vision printanière enchanteresse.

Ce lieu est le même (ou presque) qu’il y a quelques années, rien n’a changé. Pourtant à mes yeux ce n’est plus du tout le même endroit! Mon point de vue a simplement évolué, imperceptiblement mais sûrement, me permettant aujourd’hui de réenchanter l’espace.

Quelle belle journée…
(…et quelle leçon!)

Vieille souche

Début juillet, alors que je me trouvais en Vanoise (Savoie), j’ai eu le privilège de traverser la vieille forêt de l’Orgère (à 2000 m d’altitude, juste au-dessus de Modane > voir ici).
Ce lieu magique, magnétique, hors du temps, abrite de nombreux résineux séculaires (Mélèzes, Arolles, quelques Épicéas). On peut y voir, paraît-il, des arbres de plus de 700 ans! Je n’ai malheureusement pas eu le temps de partir à leur recherche, mais j’ai toutefois bien profité de cette courte visite.

Difficile de décrire mes impressions, cependant une chose est sûre: je me suis rarement senti aussi bien. Quelle sérénité en ce lieu!

Certains Arolles (Pin Cembro – Pinus Cembra) m’ont fortement impressionné: noueux, tortueux, massifs, aux racines épousant la roche (…) l’un d’eux, au tronc concave, semble vouloir offrir sa protection à la faune locale et au promeneur égaré (je ne l’étais pas, mais cet ancien m’a tout de même permis de rêvasser un instant entre ses bras ligneux).


Au bord du chemin se trouve la souche d’un Mélèze qui était apparemment âgé de plus de 400 ans. Vu la proximité des anneaux de croissance je veux bien le croire.
Cet arbre disparu n’est pas moins impressionnant que ses congénères vivants. Je dirais même que le vertige existentiel que sa vue suscite est encore plus puissant… En admirant cette souche j’ai tout de suite pensé à ce film d’Hitchcock que j’adore: Vertigo. On y voit le personnage de Madeleine (Kim Novak) dire à Scottie (James Stewart), en montrant une coupe de Sequoia:

« je suis née quelque part par ici… »
   puis de déplacer le doigt de quelques centimètres et d’ajouter: « … et je suis morte là. Pour lui ça n’a été qu’une heure, pour moi une vie ».

Cette séquence est tellement forte! Rien que d’en parler j’en ai la peau de gallinacé!

En contemplant ces êtres séculaires je songe alors à ma modeste vie d’humain qui ne représente qu’un fragment de la leur. Loin d’être effrayante cette pensée m’emplit de gratitude, de sérénité.
Fréquenter de vieux/grands/beaux arbres, en plus d’être une activité apaisante et une joie pour les yeux, nous remet gentiment à notre place. Plus qu’un simple passe-temps il s’agit donc d’un véritable exercice spirituel d’humilité, d’acceptation, de contemplation, de respect et d’amour pour le vivant (une des raisons, si ce n’est LA raison, de la passion que je leur voue).

Puissé-je vous avoir donné envie de vous y intéresser…

ça sent le sapin

Les conifères sont apparus sur terre, à quelques minutes près, il y a plus de 250 millions d’années. Dites donc c’est pas rien 250 millions d’années ; ça nous ramène en plein Permien, au beau milieu des dimétrodons et autres édaphosaures, qui contrairement à ce que vous imaginez ne sont pas des dinosaures ; ces derniers n’apparaîtront que plusieurs millions d’années plus tard. Non mais rendez-vous compte, nos petits conifères étaient là avant les dino! Et bien avant les fleurs qui attendront encore 100 et quelques (allez on va pas chipoter) millions d’années! Quelle vénérable lignée.
Intéressons nous à mr Picea abies, ou « épicéa », ou « sapin » comme on l’appelle un peu abusivement. Ce bel arbre caractéristique des paysages Savoyards, Jurassiens, mais aussi Vosgiens peut mesurer jusqu’à 40m ; le recordman, résident des Balkans, atteignant lui 63m. Pour vous donner une idée c’est plus haut que le 1er étage de la tour Eiffel!… La longévité de mr Épicéa peut dépasser 500ans. Que dis-je, sachez que le plus vieil arbre (connu) au monde est un… un… un Épicéa! gagné!
Old Tjikko, de son doux nom, est un vieillard Suédois de 9 550 ans. Oui vous avez bien lu, presque 10 000 ans! MÔssieur est littéralement préhistorique! A cette époque nos archi-ancêtres, ces rustres, chassaient encore les derniers mammouths.
Quelle belle histoire… Et quand bien même notre épicéa ne posséderait pas un tel pédigré, serait-il pour autant moins beau?

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Vous êtes émus, votre cœur bat la chamade, vous êtes tombé amoureux de Picea abies. Comme je vous comprends…

Ainsi, quelle indignation doit-être la vôtre à la vue de ces milliers de « sapins » (en majorité des épicéas) qui jonchent les trottoirs en début d’années, jetés dans le caniveau comme de vieux mouchoirs une fois les fêtes passées par ceux qui estiment que de toute façon ça ne sert plus à rien, que c’est pas vivant (un peu comme un rocher), qu’on les plante pour ça, et que de toute manière il était impensable de ne pas en acheter parcqu’après tout c’est la tradition et que si on arrête d’en acheter c’est la fin du monde, l’apocalypse, calendrier d’l’avent Maya tout ça.
Vous faites alors partie de ces gens qui, soit se passent de sapin, soit l’achètent en pot pour qu’il puisse être replanté, soit sont suffisamment inventifs pour trouver une autre solution (et il y en a).

Non?…

Bon… ça va pour cette fois.
Mais promettez-moi au moins d’y penser l’année prochaine.
Vous verrez, c’est pas si difficile de s’en passer  :-)

ps: spéciale dédicace à l’ex sapin de noël des années 80 qui coule désormais des jours heureux dans notre jardin…